Me le Dr Marie-Francoise Vecchierini engagée pour la santé et le sommeil des enfants depuis toujours, écrit sa vision de la prise en charge de ceux ci
Le syndrome d’apnées obstructif du sommeil (SAOS) de l’enfant : Quelle prise en charge ?
Dr Marie-Françoise Vecchierini. Présidente d’honneur de la SFRMS.
1er Mai 2021
Depuis la description princeps de SAOS de l’enfant en 1976 par C. Guilleminault, les connaissances sur ce syndrome ont beaucoup progressé comme en atteste l’explosion du nombre de publications à ce sujet.
I/ Diagnostic et traitement du SAOS de l’enfant imposent la pluridisciplinarité.
Les connaissances sur les différents symptômes cliniques du SAOS de l’enfant et leur évolution entre la petite enfance et la préadolescence se sont affinées. Aux symptômes respiratoires typiques nocturnes et diurnes s’associent des troubles comportementaux (hyperactivité), des troubles cognitifs avec leurs répercussions sur les acquis scolaires, des troubles du sommeil (fragmentation, parasomnies, énurésie) mais aussi des complications cardiaques, vasculaires et métaboliques. Le SAOS est considéré par certains comme une maladie inflammatoire à bas bruit. Asthme et phénomènes allergiques sont également souvent associés. L’hypertrophie des tissus lymphoïdes, notamment des amygdales et des végétations, est dans la majorité des cas responsable de la respiration buccale et des arrêts respiratoires nocturnes mais elle est loin d’être la seule anomalie. Un examen précis doit rechercher de possibles et fréquentes anomalies associées : malocclusions dentaires, frein de langue, position de la mandibule, étroitesse du palais….Le dépistage de telles anomalies et la recherche de leurs conséquences sur l’état de l’enfant demandent donc une approche multi disciplinaire. C’est une équipe de spécialistes (pneumo, neuropédiatre, médecin du sommeil, orthodontiste, rééducateur maxillo-facial) qui, en lien avec le généraliste, doit procéder à un bilan complet avant de formuler des propositions thérapeutiques.
Les sociétés savantes de ces différentes disciplines ont assez récemment réalisé des conférences de consensus et émis des recommandations sur leur rôle respectif dans le diagnostic et la prise en charge de ce syndrome. C’est le cas de la Société française de recherche et de médecine du sommeil, de la société d’ORL, de la société française d’orthodontie. Des articles récents ont aussi précisé et mis en valeur le rôle du kinésithérapeute maxillo-facial dans le traitement de cette pathologie.
C’est cette évolution dans nos connaissances du SAOS de l’enfant qui justifie pleinement sa prise en charge pluridisciplinaire.
II/ Qu’attendre d’une telle approche pluridisciplinaire ?
Seule une équipe pluridisciplinaire peut réaliser un bilan préopératoire aussi exhaustif que possible.
Une telle approche permet de préciser les phénotypes du SAOS de l’enfant.
Elle assure un traitement personnalisé. Traitement qui prenden compte les anomalies loco-régionales mais aussi les données de vie de l’enfant dans sa famille et les répercussions du SAOS (comportement, cognition, retentissement psychologique…).
Elle inscrit sa démarche dans un parcours de soins qui comprend le suivi de l’enfant à court, mais aussi à moyen et long terme. On sait que quand l’amygdalectomie (ou adéno-amygdalectomie) est nécessaire, l’intervention est très bénéfique mais n’est souvent pas suffisante. En effet de nombreuses publications scientifiques décrivent la persistance de troubles respiratoires chez 20 à 30% des enfants. Un suivi à plus long terme est donc nécessaire mais est actuellement encore peu réalisé.
Elle permet aussi un dialogue unifié avec les parents. Une approche commune permet, après discussion, de proposer pour chaque enfant un parcours de soins consensuel et donc de retranscrire un avis commun auprès des parents.
III/ Mise en place d’équipes pluridisciplinaires
Une telle approche plaide pour la constitution d’équipes pédiatriques pluridisciplinaires capables de prendre en charge les différents aspects diagnostiques et thérapeutiques du SAOS de l’enfant. Ces équipes sont sans doute plus faciles à réunir au sein de structures hospitalières ou de cliniques mais peuvent aussi voir le jour en médecine de ville grâce à la constitution de réseaux de soins ou de santé. C’est ce qu’un groupe comme IDEAS réalise.
La possibilité de numériser les données médicales, de les anonymiser, de les transférer à distance puis de pouvoir discuter des dossiers en visioconférence peut faciliter la constitution de ces réseaux de soins.
De telles structures, pour être efficientes, exigent une bonne formation des professionnels de santé et aussi le renforcement de leur nombre. Elles exigent aussi d’être coordonnées pour un fonctionnement harmonieux.
Un point important est de bien comprendre qu’un traitement incomplet du SAOS de l’enfant, laissant en place une ou des causes de ce SAOS, réalise un facteur de risque de développement d’un SAOS à la vie adulte.
IV/ Traiter le SAOS de l’enfant pour prévenir le SAOS de l’adulte
Les travaux scientifiques de l’école de Stanford et autre, brillamment résumés lors du congrès de la SFRMS en 2018 par C. Guilleminault, ont bien montré le continuum des troubles responsables des anomalies respiratoires de la naissance à la vie adulte. Ils ont aussi montré combien des morphotypes familiaux prédisposaient à ces troubles respiratoires de génération en génération.
Prendre en compte ces données, dans une optique pluridisciplinaire et traiter le plus tôt possible les anomalies causales des troubles respiratoires devrait participer à éviter des SAOS à l’âge adulte. Tout SAOS de l’enfant non traité, insuffisamment soigné ou mal suivi après adéno-amygdalectomie majore le risque de SAOS ultérieur.
Traiter efficacement le SAOS de l’enfant assure une prévention du SAOS de l’adulte.